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La Terminale Abibac au Théâtre

Lundi 17 février, les élèves de terminale Abibac sont allés en soirée assister à la représentation de la pièce « Opération Roméo- Tchécoslovaquie 1984 », jouée à la Maison des Arts et de la Musique. Cette pièce de Viliam Klimáček met en scène une famille en pleine Guerre Froide dans l’un des pays satellites de l’Union Soviétique : la Tchécoslovaquie.


En 1968, le Premier Secrétaire du Parti Communiste Alexander Dubček veut établir dans son pays un « socialisme à visage humain ». L’union Soviétique répond par l’envoi des chars de l’Armée Rouge et l’adoption de la doctrine Brejnev de la « souveraineté limitée ». L’impact n’est pas que militaire, la société entière va être reprise en main et « normalisée » jusqu’à la fin des années 80 : les intellectuels sont professionnellement « reclassés » là où leurs idées ne seront plus dangereuses, ils deviennent magasiniers, ouvriers, se retrouvent au plus bas de l’échelle sociale. On estime à 350 000 le nombre de travailleurs ainsi « repositionnés », dont Alexander Dubček, relégué à un poste d’agent technique des Eaux et Forêts. 

La famille présentée dans cette pièce est un cas typique. Le père, Michal, ancien cinéaste, a été déclassé aux Archives, mais il se considère encore chanceux : « J’aurais pu finir beaucoup plus mal. Me retrouver à creuser avec un bulldozer par exemple », ce à quoi son fils rétorque avec humour : « Attention ! Ils ne confient pas un bulldozer à un ennemi de classe. C’est une arme. Depuis qu’un type a voulu briser les barrières à la frontière autrichienne avec ». Le grand-père, écrivain dissident, cache ses manuscrits que sa fille fait passer à l’Ouest en fraude. La mère, Alena, craint tant que leur appartement soit sur écoute qu’elle actionne un sèche-cheveux bruyant dès que son mari formule une critique contre le régime. Quant au fils Viktor, il vit difficilement la pression qu’impose la police d’Etat à sa famille et se demande pourquoi il a eu l’autorisation d’étudier la médecine quand tant d’autres sont destinés à accomplir des tâches subalternes : « La plupart des enfants comme lui, on ne leur permet même pas de souder des câbles » dit l’officier de le Police Secrète, cette évidente contradiction le met en porte-à-faux auprès de ses camarades : « Tous croient que je suis un informateur. Qu’on m’a permis de faire des études pour que je puisse les dénoncer ».

Le déclassement social est également une mise au ban de la société : on a coupé le téléphone à la famille, afin de limiter ses contacts avec le reste de la population : « Il y a des appartements mon cher poète, dans lesquels le téléphone ne sonnera jamais parce qu’ils l’ont pris aux habitants pour les isoler du reste du monde, de leurs amis, de leurs proches ». 
La normalisation a sur la société des effets désastreux en l’appauvrissant intellectuellement et moralement : « Personne n’avait honte de venir de Tchécoslovaquie. Pas à cette époque-là » dit Michal, « On était des as. On n’était pas célèbres à cause du nombre de condamnés à mort dans notre pays ou du nombre d’enfants tués à nos frontières, mais grâce à un film qui avait remporté l’Oscar ».

L’équilibre de cette famille est bouleversé lorsque tous apprennent que Michal est depuis 20 ans agent de la police d’Etat, chargé de surveiller Alena pour mieux approcher son père dissident. Le dernier refuge, la cellule familiale, vole en éclats : Michal a-t-il épousé Alena à la demande de la Police d’Etat ou par amour ? En obéissant à un régime totalitaire, a-t-il trahi ou protégé sa famille ? « Tu m’as déshumanisée », répond sa femme…

Cette pièce transmet avec beaucoup de finesse l’atmosphère ressentie en Tchécoslovaquie à l’aube de la « Révolution de Velours » qui a provoqué la chute du communisme, révolution menée justement par des intellectuels comme l’écrivain Vaclav Havel, élu ensuite président de la République Fédérale Tchèque et Slovaque. De façon plus générale, elle traduit également l’emprise des polices d’Etat et l’influence écrasante de l’Union Soviétique dans les pays du bloc de l’Est : le film de Florian Henckel von Donnersmarck, « Das Leben der Anderen » (la Vie des Autres, 2006) retrace de façon assez similaire le destin d’un couple d’intellectuels pris au piège de Stasi (le Service de Sécurité de l’Etat) en RDA. (Cf également « Barbara » ,2012 et « Zwei Leben » (D’une Vie à l’Autre), 2013).

Cette représentation, qui illustre une partie du programme d’histoire de terminale Abibac, a été très appréciée par les élèves :

"Cette pièce permet de mieux comprendre la situation d’une famille quand un des membres est un informateur de l’Etat et on ressent ainsi mieux la trahison et le désarroi éprouvés par la famille ainsi que la pression que pouvaient ressentir les informateurs. Par ailleurs, le casting était très bon et certaines scènes assez drôles. Il s’agit donc d’une pièce très instructive et à la fois divertissante." Perrine Merlaud (TL)

"J’ai beaucoup aimé cette pièce. Le jeu des acteurs était tellement bon qu’à travers cette histoire dramatique nous retrouvions malgré tout des touches d’humours. Ils ont permis une compréhension assez simple du quotidien (critiques envers le régime, mise sur écoute de famille...) en Tchécoslovaquie en 1984. Cette pièce est donc une réalité historique qui, mêlée à de la fiction, est très intéressante." Cléa Péculier (TS1)

Le texte de la pièce sera commandé et mis à disposition des élèves au CDI.
En lien avec cette pièce, la Région Centre-Val de Loire propose une conférence dans le cadre des « Parcours d’Europe » le 9 mars de 9h à 11h à l’hémicycle du Conseil Régional, 9 rue Pierre Lentin (Orléans) : « Sociétés d’Europe de l’Est sous l’ère communiste : la Tchécoslovaquie derrière le rideau de fer », avec Antoine Marès, directeur du Centre d’Histoire de l’Europe centrale contemporaine de Paris I Panthéon Sorbonne, et Eric Cénat, comédien, metteur en scène et adaptateur, directeur artistique du théâtre de l’Imprévu à Orléans et adaptateur de la pièce de V. Klimáček . Cette conférence sera retransmise en streaming puis disponible en vidéo à la demande sur le site internet du Conseil Régional.

E. Bellamy
Professeur d’HG de la terminale Abibac